Suis-je sourde ou malentendante ? Les paris sont lancés

Photo d'une main qui lance 5 dés.

Les deux !
Je suis sourde ET malentendante.
Je suis aussi sourde OU malentendante…

Vous êtes perdu.e ? Moi aussi.
Du coup, c’est plus simple de dire que je suis handicapée.
Oui, mais quel handicap ?
Ah ! J’ai 2 réponses possibles :
– Je suis sourde.
OU
– Je suis malentendante.

Bref, vous voyez il faut trancher ! Alors tranchons…enfin essayons.

À la naissance, il me manquait de l’audition à l’oreille gauche mais j’entendais presque normalement de l’autre oreille.
À ce moment là, c’est le mot malentendant qui l’emporte malgré ma bonne audition d’un côté.

Puis à 6 ans, j’ai perdu complètement l’audition à gauche et un peu de l’autre.
Me voilà sourde comme un pot du côté gauche, malentendante de l’autre.

À 15 ans, j’ai perdu l’audition à droite…par intermittence. Certains matins je me réveillais complètement sourde des 2 oreilles et d’autres, j’entendais un peu avec mon oreille droite. Ce n’était pas suffisant pour comprendre ce que les gens me disaient.
Me voilà sourde profonde des 2 côtés !

À 17 ans (âge approximatif car je n’ai pas de mémoire précise de ces périodes), je commençais à entendre un peu mieux grâce à l’implant cochléaire.
Toujours sourde. Avec un bonus : me voilà implantée, ma vie de FemmeBionique commence !

Depuis mes 20 ans (toujours un âge approximatif), j’entends vraiment bien grâce à mon implant.
Depuis, me voilà toujours sourde des 2 oreilles sans mon implant,
ET
Malentendante d’une oreille avec mon implant cochléaire (mais toujours sourde de l’oreille gauche).

Si vous avez réussi à tout suivre (chapeau !), vous en conviendrez avec moi qu’il est toujours difficile de trancher entre les mots « sourde » ou « malentendante » pour me qualifier.

Alors quel mot je choisis : sourde ou malentendante ?

Au quotidien, je me qualifie aussi bien de sourde que de malentendante. Cela dépend de la situation. Ou de la tête de la personne. Oui oui, j’assume, je choisis aussi le mot à la tête du « client ».

 

Pour être tranquille, je me qualifie de malentendante

En effet, le mot « malentendant » est socialement accepté.
C’est poli de dire qu’une personne est malentendante (même si elle est sourde !).

« Malentendant » évoque un problème d’audition qui est léger, la réaction des interlocuteurs est assez douce. Ils ne vont pas y prêter beaucoup d’attention. À tel point qu’ils vont vite oublier cet aspect car dans l’inconscient ça arrive à tout le monde de mal entendre.

Je me qualifie donc de malentendante lorsque :

– je suis dans un endroit qui n’est pas très bruyant et que ma surdité passe inaperçue jusqu’au moment où on me regarde bizarrement parce que je demande à répéter 3 fois le même mot ou d’épeler un nom propre ;

– je suis face à une personne que je sens réticente au handicap et qui ne me parlerait plus si je lui disais que je suis sourde (oh que si ça m’arrive, lire plus bas) ;

– pour éviter les longues discussions autour de ma surdité. Même si j’en parle toujours volontiers, parfois la discussion ne tourne qu’autour de mon handicap or j’aime aussi parler d’autre chose !

 

Quand j’ai envie d’être précise, de sensibiliser, ou parfois d’énerver mon interlocuteur je dis que je suis sourde.

Le mot « sourd » est tabou, comme un gros mot, il a tendance à mettre les gens mal à l’aise. En découle 3 types de réactions :

1. La sympathie

En entendant le mot « sourde », mes interlocuteurs vont faire plus attention à leur manière de parler : se mettre face à moi pour que je puisse lire sur leurs lèvres, articuler et répéter avec le sourire.

Je précise qu’il est inutile de parler fort ou d’articuler exagérément.
Si les entendants ont du mal à vous comprendre, et vous disent souvent que vous ne parlez pas assez fort ou trop vite, pour moi ce sera pire !

Pour vous donner une métaphore ce serait un peu comme si je devais suivre une conversation dans une discothèque : beaucoup d’efforts.

Il vous suffira juste de suivre les recommandations que les entendants eux-mêmes vous donnent régulièrement et nous pourrons papoter jusqu’à la tombée de la nuit !

2. Le rejet

Je me souviendrais toujours de cet homme avec qui je parlais du handicap. Ce jour là, j’étais bénévole pour sensibiliser les passants d’un salon aéronautique aux handicaps moteur et visuel. On leur proposait de s’asseoir dans un fauteuil roulant et d’effectuer le parcours rempli d’obstacles de la vie quotidienne (trottoir, route lisse, rugueuse, pente, etc.).
Au bout de 5 bonnes minutes de conversation avec cet inconnu, je lui dis qu’il y a aussi des handicaps non visibles. Il ne me croyait pas : selon lui tous les handicaps sont visibles. Je lui dis alors que je suis sourde. Comme il était sceptique, je lui montre mon implant. Et à partir de ce moment là, il se mit à me parler très fort et en articulant exagérément. Je lui demandais alors pourquoi est-ce qu’il avait soudainement changé sa façon de me parler alors que ça faisait 5 minutes que nous échangions normalement. Il me répondît : « parce que vous êtes sourde, pour que vous me compreniez ». Il est ensuite très vite parti, il ne savait plus comment me parler. Je crois que je l’ai traumatisé avec mon handicap non visible.

Ce genre de réaction m’arrive régulièrement à divers degrés : une fois que ces personnes là savent que je suis sourde, ils vont discuter avec d’autres personnes, ne feront absolument aucun effort ou pire encore, ils me compliqueront la tâche. La personne me considère comme quelqu’un qui a 2 neurones et 2 ans d’âge mental.

Lorsque c’est dans le cadre du travail, je suis assez dépourvue face à ces réactions de rejet. Ma réaction est alors d’expliquer ma surdité avec beaucoup d’humour « Je suis sourde comme un pot, mais vous pouvez respirer car ce n’est absolument pas contagieux ! » ou « Parfois j’aurai l’air bête, mais c’est trompeur, car j’ai plus de neurones que d’audition ! ».

3. L’incrédulité

Je crois que c’est la réaction à laquelle je fais le plus souvent face.
Effectivement, mon handicap est vraiment invisible car mes cheveux cachent souvent mon implant cochléaire et mis à part une sorte d’accent selon certaines personnes, rien n’indique ma surdité. De plus, je ne réponds pas au stéréotype véhiculé par les dictionnaires (Merci les dico !) d’être « sourde-muette », je suis juste « sourde » tout court.

Certains sourds n’utilisent pas la parole car on se moque d’eux lorsqu’ils parlent mais ils n’en sont pas muets pour autant car ils ont la faculté de parler : leurs cordes vocales fonctionnent.

Oui, il existe des personnes qui cumulent les handicaps d’être sourde et muette. Je n’en ai encore jamais rencontrées.
Il existe aussi des personnes muettes et entendantes. J’en ai déjà rencontrée une car elle était complètement intégrée dans le monde des sourds. En effet, cette personne s’épanouissait en communiquant en LSF (Langue des Signes Française) qui ne nécessite pas d’utiliser ses cordes vocales.

Pour revenir à l’incrédulité des personnes à qui je dis que je suis sourde,

leur réaction la plus fréquente est de me dire : « Mais non vous n’êtes pas sourde ! ».

Je ne vous raconte pas quand je dis que je suis handicapée. Là ils sont souvent à deux doigts de faire une syncope !

 

Le mot « handicapé » est considéré comme une insulte suprême

Je suis rarement prise au sérieux quand je dis que je suis handicapée. On me jette un oeil amusé avec l’attente que je rajoute « mais non je blague, bien sûr que non que je ne suis pas handicapée ! ». Mais si ! Je suis handicapée et je me sens régulièrement handicapée ou en situation de handicap. Cela ne m’empêche pas pour autant d’être souvent autonome ou d’être « Sourdouée » (sourde + douée, le nom d’une de mes rubriques).

Personnellement, j’ai toujours plaisir à taquiner mon entourage avec ma surdité, mon handicap.

Cependant, si vous vous retrouvez face à une personne sourde, malentendante, handicapée ou encore en « situation de handicap », écoutez les mots employés par cette personne pour se désigner. Ou mieux encore : demandez-lui quels mots elle préfère que vous employiez. Tout simplement !

Chaque personne est unique. C’est aussi valable pour nous les sourds. FemmeBionique est ma logique, elle ne correspond pas forcément à tout le monde !